Malgré la présence égyptienne en Haute-Nubie, la culture indigène de la région a continué à prospérer. Cette culture a été profondément influencée par les peuples africains du sud et a été peu modifiée par la proximité des garnisons égyptiennes ou les importations d’articles de luxe par les commerçants égyptiens. En effet, l’égyptianisation de la Nubie semble avoir été renforcée pendant le déclin du contrôle politique de l’Égypte sur la Nubie au cours de la deuxième période intermédiaire (vers 1630-1540 avant notre ère), lorsque les Nubiens étaient employés en grand nombre comme mercenaires contre les envahisseurs asiatiques Hyksos de Egypte. Cette expérience a fait plus pour introduire la culture égyptienne, que les mercenaires ont absorbée en combattant dans les armées égyptiennes, que ne l’ont fait les siècles précédents d’occupation militaire égyptienne. À l’inverse, la présence de ces mercenaires en Egypte a contribué à l’influence croissante de l’Afrique au sein de la culture égyptienne.
La défaite des Hyksos était le résultat d’un soulèvement national des Egyptiens qui, une fois qu’ils avaient expulsé les Hyksos de la vallée du Nil, ont tourné leurs énergies vers le sud pour rétablir l’occupation militaire de la Nubie que l’invasion Hyksos avait interrompue. Sous Thoutmosis I (règne de 1493 à 1482 avant notre ère), la conquête égyptienne du nord du Soudan fut achevée jusqu’à Kurqus, à 50 miles au sud d’Abu Ḥamad, et les expéditions militaires égyptiennes ultérieures pénétrèrent encore plus loin sur le Nil. Cette troisième occupation égyptienne était la plus complète et la plus durable, car, malgré des rébellions sporadiques contre le contrôle égyptien, la Nubie était divisée en deux unités administratives: Wawat au nord, avec sa capitale provinciale à Aswān, et Kush (également orthographié Cush) en le sud, avec son siège à Napata (Marawī). La Nubie dans son ensemble était gouvernée par un vice-roi, généralement membre de l’entourage royal, qui était responsable devant le pharaon égyptien. Sous lui, il y avait deux députés, un pour Wawat et un pour Kush, et une hiérarchie de fonctionnaires inférieurs. La bureaucratie était composée principalement d’Égyptiens, mais les Nubiens égyptiens n’étaient pas rares. Des colonies de fonctionnaires, de commerçants et de prêtres égyptiens entouraient les centres administratifs, mais au-delà de ces avant-postes, les Nubiens continuaient à préserver leurs propres traditions, coutumes et artisanat. Une culture syncrétique est ainsi née à Kouch, façonnée par celle de l’Égypte au nord et celle des peuples africains au sud.
La position de Kush sur les routes commerciales de l’Égypte à la mer Rouge, et du Nil à le sud et l’ouest, apportaient une richesse considérable de contrées lointaines. De plus, ses zones cultivées le long du Nil étaient riches et dans les collines les mines d’or et d’émeraude produisaient des lingots et des bijoux pour l’Égypte. Les Nubiens étaient également très appréciés en tant que soldats.
Alors que l’Égypte glissait à nouveau dans le déclin à la fin du Nouvel Empire (11e siècle avant notre ère), les vice-rois de Kush, soutenus par leurs armées nubiennes, devinrent pratiquement indépendants rois, libres de tout contrôle égyptien. Au 8ème siècle avant notre ère, les rois de Kouch étaient issus de familles dirigeantes héréditaires de chefs nubiens égyptiens qui n’avaient aucun lien politique ni familial avec l’Égypte. Sous un tel roi, Kashta, Kush acquit le contrôle de la Haute (c’est-à-dire du sud) de l’Égypte, et sous son fils Piye (anciennement connu sous le nom de Piankhi; régna vers 750 – vers 719 avant notre ère) toute l’Égypte jusqu’aux rives de la Méditerranée a été placé sous l’administration de Kush. En tant que puissance mondiale, cependant, Kush ne devait pas durer. Juste au moment où les rois de Koush avaient établi leur règne d’Abū Ḥamad jusqu’au delta du Nil, les Assyriens envahirent l’Égypte (671 avant notre ère) et, avec leurs armes supérieures forgées en fer, vainquirent les armées de Kush sous le redoutable Taharqa; en 654, les Koushites avaient été refoulés en Nubie et à la sécurité de leur capitale, Napata.
Bien que réduite d’une grande puissance à un royaume isolé derrière les collines stériles qui bloquaient l’avancée vers le sud depuis Aswān, Kush continua pour régner sur le Nil moyen pendant encore mille ans. Sa culture égypto-nubienne unique avec ses fortes accrétions africaines a été préservée, tandis que celle de l’Égypte a été soumise aux influences perses, grecques et romaines. Bien que égyptienne à bien des égards, la culture de Kush n’était pas simplement la civilisation égyptienne dans un environnement nubien. Les Koushites ont développé leur propre langage, exprimé d’abord par les hiéroglyphes égyptiens, puis par les leurs, et enfin par une écriture cursive. Ils adoraient les dieux égyptiens mais n’ont pas abandonné les leurs. Ils ont enterré leurs rois dans des pyramides mais pas à la manière égyptienne. Leur richesse continuait de couler des mines et de croître avec leur contrôle des routes commerciales. Peu de temps après le retrait d’Égypte, la capitale a été déplacée de Napata vers le sud à Méroé près de Shandī, où le royaume était de plus en plus exposé aux cultures africaines établies de longue date plus au sud au moment même où ses liens avec l’Égypte disparaissaient rapidement.L’histoire ultérieure de Kush est celle d’une décomposition progressive, se terminant par une extinction sans gloire en 350 ce par le roi d’Aksum, qui descendit des hauts plateaux éthiopiens, détruisit Méroé et saccagea les villes décrépites le long de la rivière.